On s’en souvient comme si c’était hier : le 9 février 2014 le peuple suisse adoptait l’initiative dite « contre l’immigration de masse » de l’UDC. Rejetée à Genève dont elle trahissait clairement l’esprit, cette funeste initiative faisait au demeurant peser un risque considérable sur un tissu économique suisse qui se nourrit de son ouverture au monde.

Cette réalité est particulièrement vérifiable pour la plus petite des grandes villes qu’est Genève. Privée de matières premières (encore qu’elles s’y négocient), mais richement dotée en matière grise, cette véritable capitale de la gouvernance mondiale tient notamment sa richesse – monétaire comme humaine – de sa capacité à attirer les talents qualifiés.

Si l’initiative UDC était diamétralement contraire à l’ADN genevois, une lecture littérale de celle-ci se serait avérée éminemment préjudiciable aux fondements de notre écosystème. Qu’il s’agisse des PMEs, épine dorsale de notre économie, ou des multinationales (et des 60’000 emplois directs et induits qu’elles génèrent), la mise en œuvre stricto sensu de ce slogan caricatural menaçait de freiner le dynamisme qui permet à la Suisse d’accéder aux premières places des classements internationaux en matière de compétitivité et d’innovation.

Alors que Dame Helvétie était – et demeure largement – en proie au défi de la réforme de la fiscalité des entreprises, mère de toutes les batailles économiques, le front ouvert par cette initiative populiste générait une incertitude inconsidérée pour notre attractivité.

Procédant d’une réelle instrumentalisation de la volonté populaire (alimenté de phantasmes idéologiques), cette initiative révélait également une décorrélation entre les craintes légitimes de la population, dont la voix doit naturellement être respectée, et les réalités d’un marché globalisé.

Quatre ans jour pour jour après ce que d’aucun qualifierait de dérive démocratique, la volonté populaire a été mise en œuvre. Fort heureusement, avec pragmatisme. En effet, sa traduction s’est opérée dans le respect indispensable des accords bilatéraux dont chacun (à l’exception de l’UDC) mesure les bienfaits essentiels pour une économie tournée vers notre premier partenaire économique; pour une économie suisse qui gagne 1 franc sur 2 à l’étranger – dont la moitié auprès des 500 millions de consommateurs européens – prendre le risque de voir ces accord résiliés constituerait un formidable déni de réalité.

C’est ainsi que les institutions helvétiques ont accouché au forceps – après une gestation de trois ans – d’un mécanisme digne de la haute complication horlogère, permettant de concilier volonté populaire objective et impératifs économiques.

Avec un système favorisant de subtiles équilibres, déclinés en procédures d’annonce destinées à assurer une juste représentation de la main d’œuvre indigène, nous disposons désormais de mécanismes conjuguant les divergences en une approche convergente.

Il faut l’admettre: que d’efforts déployés ! Que de ressources (humaines et financières) mobilisées. Alors que le monde avance, la Suisse s’est livrée à un exercie de contorsion nombrilisme dont nous aurions pu – et dû – faire l’économie pour concentrer notre énergie sur les chantiers prioritaires qui nous occupent, à commencer par la fiscalité.

Tout ça pour ça (ou « much ado about nothing ») pour citer la fameuse œuvre de Shakespeare, serait-on tenté de dire ; si l’exercice doit être souligné par ses prouesses de créativité intellectuelle, les électeurs genevois attendent, à mon sens, de leurs politiques qu’elles se consacrent à d’autres priorités quotidiennes.

La démocratie est certes le moins mauvais de tous les systèmes, comme le soulignait Churchill. Il n’en demeure pas moins que notre beau pays mérite mieux que d’être pris en otage par des slogans populistes, contraires à ses engagements internationaux, comme à ses intérêts économiques.

En ce 9 février 2018, la montagne semble avoir accouché d’une souris; espérons que nous en tirions les enseignements qui doivent s’imposer (en particulier à l’UDC), pour faire rayonner notre Heidiland préféré.

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