Hier le Musée d’Art et d’Histoire, aujourd’hui Clé de Rive, demain la Cité de la Musique ? A Genève, il semble que tout projet d’infrastructure ambitieux est systématiquement miné par des considérations dogmatiques. En ces temps de pandémie, il est plus indispensable que jamais de triompher des blocages idéologiques, et d’insuffler du dynamisme à notre ville ! 

Pour les opposants au projet dit Clé de Rive, l’heure n’est plus aux compromis ou aux concessions. Une position assumée hier dans ces mêmes colonnes par Omar Azzabi, co-président des Verts Ville de Genève, lequel justifie le rejet de cette réalisation majeure, issue de plus d’une décennie de négociations, en raison du parking souterrain de 500 places destiné à compenser les places de parc supprimées en surface. Un réflexe pavlovien pour la gauche de l’échiquier politique qui perçoit la voiture – fût-elle électrique – comme l’incarnation du mal, face à la bonne mobilité, douce et vertueuse.

Cette dialectique manichéenne balaie systématiquement la multimodalité et le pluralisme pourtant caractéristiques des environnements urbains. Cela est particulièrement ironique lorsque l’on sait que le fameux parking sera intégralement adapté à l’électromobilité et servira de plateforme de car sharing et de vélos en libre-service.

Ce dimanche 7 mars, les Genevois ont rendez-vous avec l’avenir urbain d’une ville qui se veut globale, mais se pense trop souvent locale. En validant une réalisation fruit d’un large consensus politique, laquelle sera bénéfique aux habitants comme à nos visiteurs, les Genevois porteront ainsi une vision d’avenir marquée du sceau du pragmatisme. En effet, une piétonnisation équilibrée et attractive de notre centre-ville permettra d’insuffler une nouvelle dynamique aux commerces, confrontés à une situation conjoncturelle historiquement difficile, à la concurrence du commerce en ligne et à celle des zones commerciales périphériques. Elle sera synonyme de vitalité et de prospérité, comme de cette convivialité qui fait cruellement défaut en ces temps de pandémie.

Sous l’angle de l’attractivité de la ville, ce projet est porteur d’espoir avec la perspective d’une zone piétonne apaisée, facilement accessible et à proximité immédiate du lac. Un véritable trait d’union entre ce symbole qu’est le Jet d’eau et le Musée d’Art et d’Histoire, toujours non rénové (et rappel permanent de la difficulté de Genève de se projeter avec ambition).

N’en déplaise à ses détracteurs, Clé de Rive fait figure de projet équilibré et novateur tenant compte de la multiplicité des enjeux et de la complexité du tissu urbain, à l’opposé d’une vision binaire « anti-bagnole ».

Si les enjeux climatiques sont bien évidemment essentiels, ils ne justifient pas la mentalité d’enfants gâtés que traduit le refus d’une infrastructure utile à l’entier de la collectivité (et donc bien au-delà de la modeste bourgade genevoise) et financée par des investisseurs privés !

Aucune alternative crédible au projet Clé de Rive n’est actuellement proposée ; une initiative visant à piétonniser sans compensation des places de parc supprimées se heurte aux exigences légales. Le statut quo signifierait donc le maintien du chaotique rond-point de Rive, et du « no man’s land » de Pierre Fatio, véritable scorie alors qu’elle pourrait être une vitrine. Un projet réaliste et réalisable est à portée de main ; ne crachons pas dans celle-ci, et œuvrons à la valorisation de cette zone aujourd’hui indigne de la deuxième ville de Suisse et qui demain pourrait être la fierté de la « plus petite des grandes villes ».

La fronde systématique que semble susciter tout projet d’infrastructure à Genève est source de préoccupation pour les investisseurs comme pour les entrepreneurs : y planter un clou s’apparente à un parcours du combattant. Une ville enlisée dans une guerre de tranchée sapant toute initiative d’ampleur et bercée par une doxa éloignée de la réalité du terrain : voilà la perception qu’ont nombre des acteurs qui créent de la valeur économique à Genève.

Je demeure convaincu que les vertus de la concertation et du consensus, qui marquent l’ADN helvétique, peuvent également imprégner le code génétique genevois. Face au dogme croissant, il est clef de faire confiance à un projet porteur d’avenir et de l’espoir que nous appelons tous de nos vœux en ces temps troublés.

Cet article est paru dans Le Temps du 4 mars 2021